Arrêtez de me regarder, vous m’abîmez !



S’il est une chose parfaitement intolérante qui n’est pas régit par des une législation punitive, c’est le racisme de la laideur.

Chaque jour, nous absorbons des grandes lampées d’images et propos insoutenables de sexisme, d’homophobie, de xénophobie… moults associations engagées et déterminées luttent acidement pour une justice suffocante.

Mais personne, non, personne ne s’insurge contre cette despotique tyrannie qui traine dans les plus âpres désolations les laids de ce monde.

S’il est admit que la couleur de peau, l’orientation sexuelle ou encore la religion sont des concepts parfaitement dogmatiques, la laideur, et par conséquent la beauté, ne sont palpables qu’à l’issue d’une sensation parfaitement personnelle.
Le racisme du laid viendrait donc de là. Il est impossible de définir la laideur. Il est donc impossible de la considérer et de l’apprécier. La laideur est bien plus qu’une différence, elle est un rejet sensoriel individualiste.

La laideur est la différence commune à chacun. On est tous le moche de quelqu’un.

L’horreur des horaires !


Nombre de pollueurs d’entreprises se targuent d’une coutume des plus sournoisement sotte qui gangrènent nos si délicieuses compétences et aliènent notre labeur à grand renfort de bêtise aiguisée: les horaires !

« - Tu commences à quelle heure ?
- A 9h30. Et je finis à 18h.
- On peut déjeuner ensemble ce midi ?
- Ah non, je peux pas, je n’ai que 53 minutes de pause dej’ »

Nom d’un haricot même pas magique, quel mal a frappé le monde des actifs pour être atteint d’un tel fléau ?

Oui certain clameront à l’anarchie, à l’utopisme d’un Rousseau post-moderniste de l’homme bon par nature. Il est évident que des règles d’horaires s‘imposent pour éviter le vilain écueil de voir tous les travailleurs boucher les autoroutes ensoleillées plutôt que de travailler. Certes.

Mais il me pousse un sourire narquois lorsque j’imagine les fieffés bosseurs calés devant leurs ordinateurs à baver de webmails en sites touristiques ou à bondir des toilettes à leur téléphone portable, pour faire couler les précieuses minutes qui les séparent de la délivrance : 17h58 !

Pourquoi choisir d’être présent plutôt que d’être efficace ?

C’est design !


Certaines expressions provoquent une réaction physiologique particulière chez les individus de nos espèces respectives… Parmi ces affronts à la subtilité critique, il est une locution qui provoque une crise cardiaque à mes oreilles profanes : « c’est design ! »

A chaque génération, à chaque communauté, à chaque langue ses dissonances niaises. Une des plus apathiques de notre petit monde d’aujourd’hui est cette formule fade qui dégouline d’un consensus fédérateur sans saveur. Quoi de plus creux que ce commentaire ?

Imaginons une conversation excavant ce champ lexical avec l’aplomb d’un parisianiste s’improvisant critique aiguisé le temps d’un vernissage mondain :
« - J’adore ce qu’il fait. Ses sculptures sont modernes et parlent vraiment des choses. C’est vraiment l’œuvre de la maturité.
- Tu as raison. Je crois qu’il a vraiment voulu exprimer la contemporanéité.
- C’est design ! »

Imaginons maintenant une conversation béotienne entre un fier couple tout fraichement colocataire qui décide de prendre en main le destin décoratif de son nid d’amour :
« - On prend les tasses Valérie Damidot ?
- Fais voir ! Ah ouais, elles sont cools. J’adore les couleurs et la forme.
- C’est design ! »

« C’est design ! » est l’expression qui feint la réconciliation entre l’art et le quotidien. C’est l’illusion de faire du « beau » quelque chose d’accessible. C’est croire démocratiser l’élitisme.